vendredi 28 décembre 2012

Odyssée chromatique #6 : Bleu

Voila une couleur assez particulière, à la fois rare et omniprésente autour de nous. Réfléchissez un peu, où trouver du bleu dans la nature ?

Deux réponses viennent à l'esprit assez vite : le ciel et l'eau. Le premier doit sa couleur à la diffusion de la lumière solaire par les molécules gazeuses de l'atmosphère, le second n'en est qu'un reflet. Ces deux éléments occupent une part primordiale des paysages terrestres, mais ce n'est pas le seul usage que mère nature a trouvé pour son pot peinture bleu.

Habitants de l'eau sus-cité, les dauphins en arborent plus ou moins la couleur selon les espèces. Ces Dauphins bleu et blanc de méditerranée (Stenella coeruleoalba) portent bien leur nom, arborant un dos gris-bleu et diverses nuances azurées le long de leurs flancs. Mais il n'est pas obligé de chercher si exotique pour trouver un peu de bleu, il y en a beaucoup plus près.

Cette libellule par exemple, l'Orthétrum brun (Orthetrum brunneum), peut se trouver dans la quasi totalité des départements de France continentale et de Corse, notamment dans le quart Sud-Est de la zone en question. Elle apprécie de nombreux habitats d'eau stagnante et courante, pondant dans des mares, gravières et fossés comme dans des ruisseaux ou des petites rivières. Elle a tout de même une préférence pour les milieux bien ensoleillés. Attention toutefois, il existe quatre espèces d'orthétrums en France et elles sont extrêmement semblables pour l'oeil non entrainé, méfiance donc, les confusions sont aisées.

Plus rare, la Rosalie des Alpes (Rosalia alpina) est un magnifique coléoptère protégé en France. D'une belle couleur gris-bleu tachetée de noir, arborant des antennes démesurées décorées de petits plumeaux noirs, l'espèce est strictement impossible à confondre. Hélas, elle n'est pas aussi courante que l'espèce précédente : on la trouve surtout dans le Sud de la France et dans les régions montagneuses (les Alpes, les Pyrénées et le Massif central). Elle est également présente en Corse et sur la côté Atlantique entre les embouchures de la Vilaine et de la Dordogne. Elle semble toutefois se promener parfois assez loin, étant alors observé à des endroits inhabituels. Méfiance donc.

Finissons sur quelque chose d'un peu moins impressionnant mais de plus mystérieux. Personne ne s'intéresse aux moisissures et autre champignons décomposeurs à part quelques savants que l'on se plait à imaginer en blouse blanche, les cheveux en pétards et arborant des lorgnons sur le bout du nez. Toujours est-il que les organismes ainsi dédaignés tentent parfois de se faire connaitre un peu, de redorer leur image. Hélas ils n'ont jamais pris de cours de communication, les pauvres, aussi ces manifestations prennent-elles souvent l'allure de discrètes tâches et croutes sur les branches mortes trainant par terre en forêt. Seul l'oeil averti ou chanceux pourra alors profiter du spectacle saisissant bien que discret de cette belle couleur bleue. Les belles choses sont souvent cachée.

Alors cherchez !

jeudi 13 décembre 2012

Odyssée chromatique #5 : Rouge

Ça flash, ça pète, ça ébloui, ça illumine ! Moins courante que d'autre couleurs le rouge n'en devient que plus visible lorsqu'il est présent, sautant parfois aux yeux de façon violente (littéralement dans le cas de quelques bestioles pas commodes). Du fait de cette visibilité importante, cette couleur n'est que très rarement utilisée en tant que camouflage ; bien plus souvent elle joue le rôle d'avertissement.

Premier exemple frappant de cet avertisseur coloré : vous aurez tous reconnu l'Amanite tue-mouche (Amanita muscaria). Devenu célèbre grâce à sa tenue flamboyante, ce champignon n'avait pourtant qu'une seule intention en se peinturlurant ainsi : indiquer aux divers herbivores peu recommandables qui trainent dans sa forêt que sa consommation serait pour eux le synonyme de plusieurs heures assez peu agréables. Et ça marche pour une bonne partie d'entre eux, même si certaines bestioles ont semble-t-il trouvés une parade : on voit régulièrement ces beaux champignons grignotés par des limaces et escargots qui ne semblent pas en souffrir outre mesure. Ça a l'estomac costaud ces bêtes là.

La Coccinelle (Coccinella septempunctata) est une autre exemple, encore plus connu, de ce phénomène appelé aposématisme. Ce terme regroupe toutes les stratégies adaptatives visant pour un organisme à émettre un avertissement clairement compréhensible par ses prédateurs afin que celui-ci ne le consomme pas. Cette stratégie est employée par de nombreux organismes sur terre, souvent avec succès. La preuve : qui d'entre vous a déjà mangé une coccinelle ?

Cette fois-ci, l'animal est moins connu, et c'est bien dommage. Si un jour vous croisez une punaise au costume rouge vif traversé de grandes rayures noires continues (et non pointillées) vous serez en présence du ravissant Graphosome italien (Graphosoma lineatum), client régulier des grandes ombellifères des talus d'été. Très visibles, elles ne se soucient absolument pas de se cacher. Si par hasard un prédateur inexpérimenté vient à en manger une, son goût exécrable s'associera dans son esprit à la couleur rouge et il ne commettra plus la même erreur.

La, les choses s'inversent. Pourquoi les groseilles, parfaitement comestibles, se parent-elles d'une couleur aussi vive ? Oui mais voyez-vous, leur but a elles est précisément d'être mangée, afin que les graines, au sortir du tube digestif de la gourmande bestiole (je vous passe les détails) se retrouve disséminé souvent loin du pied dont il est issu. A l'instar de nombreux autre fruits (cerises, framboises, pommes, cynorhodon, baies de sorbier et j'en passe), elles ont décidées d'être transportée à l'intérieur même de leur "prédateurs", phénomène qui porte le doux nom d'"endozoochorie" (de "endo" = intérieur ; "zoo" = animal et "chor" = disséminer).

Pour finir, une petite photo sympathique prise l'automne dernier. L'écorce de ce rameau mort tombait en lambeaux que le soleil colorait d'une belle couleur rouge-orangée, formant une ligne lumineuse dans le sous-bois de la forêt. C'était plutôt beau.

Certes elles sont rares en ce moment, les traces de rouge autour de nous, mais ce n'est pas une raison pour ne point les chercher. Et puis après tout, on peut bien les attendre jusqu'au printemps.