mercredi 14 novembre 2012

Odysée chromatique #4 : Gris

Le gris c'est de saison ! L'automne est installé, de lourds couvercles nuageux s'installent, la lumière devient diffuse et illumine chaque chose comme en nuances de gris. Et alors commence la longue déprime hivernale, à regretter un été trop vite passé et un printemps trop lointain. Alors je dis non, le gris, aussi décrié soit-il, est une belle couleur. Prenez juste le temps de l'admirer quand il se pare de formes et de motifs particuliers.


Pour commencer, le gris est bien sur la couleur par excellence des constructions humaines. Toutes ces vieilles pierres (ici une partie des remparts de Carcassonne) ont beau ne pas être naturelles, elle n'en ont pas moins un certain charme et un intérêt naturaliste indéniable pour certaines espèces. Nombreuses sont les chauves-souris qui vivent, discrètes et ignorées, dans le recoin sombre d'un quelconque bâtiment. Quand à certaines petites fougères très communes mais également assez discrètes, les vieux murs sont devenus un habitat de substitution très intéressant par rapport aux falaises et rochers qu'elles avaient l'habitude de fréquenter.

Tirant souvent vers le bleu, le gris du ciel est souvent quelque chose de fascinant. Les nuages, ces entités célestes mystérieuses qui fascinent bien des enfants (et des adultes mais ils osent rarement l'avouer), arborent bien souvent fièrement la couleur tant décriée. Oui mais voila, mêlée de lumière, reflétée, rayonnante, elle devient beaucoup plus belle de traverser un peu d'humidité condensée.

 Certains animaux ont fait du gris leur tenue. La Tarente de Maurétanie (Tarentola mauritanica) a su s'habituer à la couleur de nos maisons et présente souvent un teinte grisâtre plus ou moins sombre. Égayant les maisons du Sud de la France, elle viendra guetter les insectes attirés par les lumières installées à l'extérieur, qu'elle gobera avec délectation.

Chez d'autres animaux, la couleur étudiée apparaît indirectement. C'est le cas ici, une toile d'araignée ayant retenu les gouttelettes de la rosée qui forment maintenant les perles d'un mystérieux chapelet suspendu dans la froidure humide de ce mois de Septembre. C'est là un des spectacles que je trouve les plus beau de la nature proche, aussi je vous encourage vivement à essayer de vous dégoter une belle toile, lors d'une journée de brume. Le spectacle vaut le coup d'oeil.

Plus que la plupart des autres couleurs, le gris est créateur d'ambiances bien particulières.
Cette journée de Janvier, le brouillard n'avais pas laissé une fois paraitre l'oeil jaune du soleil, bien décidé à nous noyer dans une humidité omniprésente. Je participais alors à un comptage de Milan royaux (Milvus Milvus) dans le massif central. Malgré l'obstacle important de cet écran, nous cherchâmes et nous trouvâmes les désirés volatiles. Perchés dans des arbres dénués de feuilles ils n'était plus de simples rapaces, les voila devenus épouvantails, silhouette inquiétantes aux formes changeantes. Soudain, juste au dessus de nous, perçant l'épaisse couche de brouillard, une dizaine de ces oiseaux apparaissent, volant droit vers nous en surgissant de la brume. L'instant est magique.

Au lieu de déprimer par les longues et grises journées d'automne, profitez de cette couleur et examinez là d'un peu plus près, elle réserve des surprises. Et si vraiment vous êtes réfractaires, alors cherchez autre choses, les autres nuances n'auront jamais complétement disparu.

lundi 5 novembre 2012

Odysée chromatique #3 : Rose

Troisième épisode de notre recherche des couleurs avec cette fois-ci une nuance assez connotée la plupart du temps. Nous autre humains associons le rose au filles, souvent jeunes, et à quelques autres aspects moins avouables. Et ces sens sous-jacents rendent l'utilisation de cette couleur souvent orientée.
Mais la Nature, qui se prend beaucoup moins la tête que nous autres, ne se gène pas pour peinturlurer toutes sortes de choses avec son pinceau rose. La preuve.

Tout le monde a déjà pu admirer au moins un coucher de soleil flamboyant. Lassé du bleu, le grand peintre céleste se donne alors un petit moment de fantaisie, balançant de grands coup de peinture vive dans tous les sens. Ça ne dure pas longtemps, après quelques minutes le ciel se souvient qu'il n'existe pas de grand peintre céleste et il sombre doucement dans le bleu nuit.

Mis à part cet exemple, il faut bien avouer qu'une très grande partie des occurrences de rose dans notre environnement sont dues à un élément récurent de la photographie nature : les fleurs. Voilà bien une chose dont on pourra trouver des exemplaires quelque soit la nuance recherchée. Quelques exemples de ce que l'on peut trouver au rayon "Rose".

Vous connaissez probablement cette plante, mais sous une autre forme. Cette élégante clochette, suspendue à un rameau coriace, donnera quelques temps plus tard une baie bleu sombre que d'aucun nomment "Myrtille". Eh ben oui, avant d'être une tarte ou un coulis cette denrée est une plante (Vaccinium mytrillium), petit buisson bas des milieux froids à la délicate floraison que voici.

 Même nuance, autre usage, voici la Digitale pourpre (Digitalis purpurea), tirant son nom de la forme de doigts (mouais...) de ses fleurs en grappes pendantes. Affectionnant les endroits perturbés où les autres plantes n'ont pas encore eu le temps de s'installer (ce que l'on appelle une plante pionnière), ce végétal est pareil aux grandes dames des romans du temps jadis, comploteuses élégantes cachant sous leur robes un flacon de poison. Machouillez un morceau de Digitale et vous aurez l'occasion de constater la sévère toxicité de la plante.

 Peuplant comme l'héroïne précédente les lieux ou la concurrence est moindre, l’Épilobe (Epilobium sp.) dresse ses tiges parfois de belle taille (jusqu'à 2 mètres pour certaines espèces) au bout desquelles éclosent gaiement ces soleils roses. Plus tard dans la saison elles laisseront la place à ces longs tubes que l'on voit sur la photo qui s'ouvriront pour laisser s’échapper des graines laineuses que le vent emportera conquérir de nouveaux horizons.

 Le plus étrange pour la fin. Cette image n'est pas issue des plus récentes découvertes extraterrestres ou d'une coupe d'intestin d'éléphant. En fait elle a été prise dans mon jardin, au fond du potager à droite : il s'agit d'une fleur d'artichaut. Au fond cette plante fonctionne un peu comme les humains : elle commence petite, grandit sans faire beaucoup de bruit, s'orne de cheveux colorés quand elle atteint la taille adulte sans pour autant être mûre et finie terne et coriace. C'est beau non ?

Allez, cherchez donc un peu vous aussi, vous pouvez en trouver du rose. Et attention, les garçons aussi.